De graves inégalités hommes-femmes dans la recherche mondiale

Par Pierre Barthélémy

Commençons par une anecdote. En septembre 2012 paraissait dans les Proceedings de l’Académie des sciences des Etats-Unis un article relatant une expérience dont les cobayes étaient… des chercheurs américains dans les domaines de la biologie, de la chimie et de la physique. L’objectif consistait à déterminer si, dans le monde académique, existait un biais, un a priori défavorable envers les étudiantes, les jeunes femmes sur le point de commencer une carrière dans la recherche. Pour cette expérience, plus de 120 scientifiques (hommes et femmes) reçurent le dossier d’un candidat à un poste de chercheur. Ils ignoraient que le candidat n’existait pas en réalité et que le CV avait été élaboré de toutes pièces, de manière à être bon, mais pas trop.

Ils devaient évaluer la compétence du candidat, dire s’ils l’embaucheraient ou pas, à quel niveau de salaire, et l’aide qu’ils comptaient lui apporter dans son travail. Dans la moitié des dossiers, le candidat s’appelait John et, dans l’autre moitié, son prénom était Jennifer. Un procédé classique dans l’étude des discriminations. Résultat : à CV et lettre de motivation identiques, Jennifer a été jugée moins compétente que John, et donc moins susceptible de mériter le poste. Y serait-elle parvenue qu’elle aurait bénéficié d’un salaire inférieur et d’un accompagnement moins important. Ironie de l’histoire, en moyenne, les personnes les plus sévères pour la candidate étaient… les chercheuses et non pas leurs homologues masculins.

Evidemment, d’une étude portant sur quelque 120 universitaires américains on ne peut tirer une généralisation pour toute la science mondiale. C’est pour cette raison qu’une équipe américano-canadienne s’est lancée dans une évaluation de grande ampleur des inégalités hommes-femmes dans la recherche, dont les résultats ont été publiés par Nature le 11 décembre 2013. Pour ce faire, elle a analysé près de 5,5 millions d’articles scientifiques publiés entre 2008 et 2012, qui totalisaient plus de 27 millions de signatures venant de quasiment tous les pays du monde. On peut en effet apprendre beaucoup de la simple liste des signataires qui figure en début de toute étude. Il y a d’abord la position dans la liste. Par convention, le premier auteur est celui qui a conçu et mené l’étude, son principal contributeur. Il s’agit souvent (mais pas toujours) de jeunes chercheurs. A l’inverse, le dernier auteur est généralement plus âgé puisque cette place est réservée aux chercheurs qui, dirigeant des unités de recherche ou des laboratoires, ont “guidé” le travail. La liste des auteurs et de leurs affiliations permet aussi de déterminer s’il s’agit ou non d’une collaboration internationale ou d’une étude donnant les résultats d’un programme impliquant de très grands équipements scientifiques.

De cette énorme recherche bibliométrique plusieurs enseignements majeurs sont apparus, qui confirment l’existence de discriminations importantes envers les femmes dans la recherche mondiale, alors qu’on aurait naïvement pu espérer que la science, faite par une collectivité éduquée et éclairée, était moins susceptible de verser dans ces travers. Premier enseignement, alors que, selon l’OCDE, dans de nombreux pays, la majorité des diplômés à l’université sont des jeunes femmes, ce sont les hommes qui dominent largement la production scientifique dans la plupart des pays, et notamment dans les pays les plus influents, les plus performants et les plus prolifiques en science. L’étude fournit une carte (à laquelle vous pouvez accéder par ce lien) indiquant, pays par pays, le ratio femme/homme dans les publications ainsi que le nombre d’études publiées.

La parité impliquerait un ratio de 1 mais on en est loin pour les plus gros contributeurs à la science mondiale, le top 5 constitué par les Etats-Unis (ratio de 0,428), la Chine (0,357), le Royaume-Uni (0,419), l’Allemagne (0,334) et le Japon (0, 194 !). La France fait un peu mieux, avec un ratio de 0,506, sans que cela soit extraordinaire. C’est en Amérique du Sud et dans les pays de l’ex-bloc de l’Est que l’on s’approche le plus de la parité. Quelques exemples : Brésil (0,678), Argentine (0,915), République tchèque (0,871), Roumanie (0,951), Ukraine (1,161). Pour le dire autrement et crûment, les femmes sont plus susceptibles de jouer un grand rôle dans la science dans les pays qui n’ont pas une place importante dans la recherche mondiale.

Voilà pour les données brutes. Si on entre un peu dans les détails, on s’aperçoit par exemple que, pour 1 article dont le premier auteur est une femme, on a presque deux fois plus (1,93) d’études dont l’auteur principal est un homme. Autre résultat très significatif : quand des femmes parviennent à publier des articles dans une “position déterminante” (seul auteur, premier auteur ou dernier auteur), ceux-ci reçoivent par la suite moins de citations que lorsque des hommes figurent dans ces positions privilégiées.

Gender-chart

        Image source: www.nature.com

On s’aperçoit également que les femmes ont du mal à obtenir ces places de choix dans les grands programmes scientifiques internationaux et qu’elles pâtissent d’un déficit de citations à l’étranger. Or les auteurs font remarquer à juste titre que “étant donné que les citations jouent désormais un rôle central dans l’évaluation des chercheurs, cette situation ne peut qu’accentuer les inégalités entre les sexes”, en ralentissant les carrières des chercheuses et en renforçant le fameux “plafond de verre”.

Autre confirmation de cette étude : un certain nombre de clichés socio-culturels se retrouvent dans la recherche. Les femmes sont ainsi plus présentes dans les domaines scientifiques liés aux soins et à la relation aux autres : médecine, sciences du langage ou de l’éducation. A l’inverse, les hommes dominent les sciences de l’ingénieur, la robotique, l’aéronautique, les mathématiques, la physique des hautes énergies. Pour caricaturer, c’est un peu comme si, même grands, les garçons devaient continuer à jouer aux voitures et aux vaisseaux spatiaux et les filles à la poupée. De nombreuses enquêtes ont montré que l’image de la science était essentiellement masculine et c’est un préjugé tenace.

En plus du sexisme (on se souvient de ce clip ridicule et déplorable de la Commission européenne pour inciter les jeunes filles à travailler dans la recherche, teinté en rose et plein de rouge à lèvres et de vernis à ongles…), une des raisons principales qui expliquent ces grands déséquilibres tient à l’accès des femmes à l’univers de la recherche, car les diplômées en sciences ne font pas automatiquement des chercheuses. En 2007, un rapport de l’Unesco notait que dans seulement 17 % des pays du monde, les effectifs féminins dans la recherche équivalaient à ceux des hommes. Les auteurs de l’article de Nature font remarquer qu’ils décrivent, eux, un tableau “plus sinistre encore : moins de 6 % des pays représentés dans Web of Science (qui regroupe plusieurs bases de données sur la production scientifique mondiale, NDLR) s’approchent de la parité en termes d’articles publiés”. Pour terminer, je ne peux que reprendre la conclusion de cette étude : “Chaque pays devrait attentivement identifier les micro-mécanismes qui contribuent à reproduire ce schéma ancien. Aucun pays ne peut se permettre de négliger les contributions intellectuelles de la moitié de sa population.”

Source:  Blog du Pierre Barthélémy, journaliste au Monde, 22/12/2013

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Segregration of children into feminine and masculine – the role of toys

This little girl is holding a LEGO set. The LEGOs are not pink or “made for girls.” She isn’t even wearing pink. The copy is about “younger children” who “build for fun.” Not just “girls” who build. ALL KIDS.

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In an age when little girls and boys are treated as though they are two entirely different species by toy marketers, this 1981 ad for LEGO  issues an important reminder.

To contrast, here’s an image of a LEGO Friends set — a line made specifically for girls in 2011: 

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Unfortunately, LEGO is not the only brand that has become increasingly girly over the years.  My Little Pony, Cabbage Patch Kids, and even Trolls have undergone extreme makeovers. Take a look for yourself: Sociological images – the societypages 

Source: The Huffingtonpost 17/01/2014

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Judith Butler « Repenser le genre ouvre à de nouvelles possibilités politiques »

Philosophe féministe américaine, professeure de littérature à l’université de Berkeley, Judith Butler interroge le genre et l’identité dans ses nombreux travaux théoriques. Son travail critique de la psychanalyse française et de la pensée féministe, ainsi que sa lecture de Derrida et Foucault en font une référence.

Née à Cleveland, la philosophe américaine, enseignante à l’université de Californie, a notamment introduit le concept de « performativité du genre ». Par cette expression, il faut comprendre le genre comme une performance sociale apprise, répétée et exécutée produisant un « genre naturel de l’être ». Trouble dans le genre, son ouvrage majeur publié en 1990 aux États-Unis, redéfinit une politique féministe de subversion, à laquelle les mouvements féministes reprochent parfois d’être en retrait dans la lutte contre les violences patriarcales. Dans la préface à la traduction française (2005), le sociologue Eric Fassin montre comment Butler se place plutôt à « l’articulation problématique » entre genre et sexualité. Judith Butler pense les marges (« queer studies ») et en appelle à déconstruire une identité instable. En dénaturalisant l’hétérosexualité, il s’agit de se dégager de l’emprise du genre et de rendre le monde vivable pour tous les êtres humains. Judith Butler a reçu le prix Adorno en 2012.

Dans Trouble dans le genre (1), vous évoquez un « nouveau départ pour la théorie politique féministe ». Quel serait ce nouveau départ ?

Judith Butler. Trouble dans le genre s’appuie sur le travail déjà établi dans les domaines de l’anthropologie et de la sociologie sur le genre. Lorsque j’ai écrit ce texte, il y a maintenant vingt-quatre ans, j’ai estimé qu’il était important de ne pas seulement s’interroger sur ce que les femmes veulent, sur comment elles sont traitées, ou encore sur les droits qu’elles devraient avoir, mais de se demander comment la catégorie des femmes se définit et quelles significations politiques impliquent ces définitions. Ce n’était pas une question nouvelle. On pouvait la trouver dans la position matérialiste féministe française et l’importante revue Questions féministes.

Vos travaux s’appuient sur la critique de nombreuses théories (Beauvoir, Witting, Bourdieu, Freud, Derrida, Foucault, Laqueur…) et rejettent les deux voies antagonistes du féminisme en débat jusque dans les années 1990. Comment penser le féminisme aujourd’hui ?

Judith Butler. L’opposition entre un féminisme qui dénonce les dominations et un féminisme dit prosexe n’est pas très évidente. Elle peut avoir une signification en France mais ne fonctionne pas vraiment en dehors de ce cadre. Je pense que le féminisme doit s’opposer aux dominations et doit aussi bien reconnaître que toutes les formes de pouvoir ne peuvent être réduites à la domination. Il est sûrement important pour le féminisme d’affirmer la sexualité, mais à la condition que cela ne soit pas contraignant. On peut convenir que le pouvoir et la sexualité sont intimement liés et s’opposer encore à la domination. Et on peut admettre que la sexualité devrait être affirmée tout en s’interrogeant : quelle sexualité ? Et sous quelles conditions ? Ainsi, comme vous pouvez le noter, je n’accepte pas les termes de cette opposition. Je ne suis ni une libertaire au sens américain du terme, ni une défenseure de l’idée que les femmes sont toujours et seulement dominées. De ce point de vue, je ne suis pas favorable à une loi contre la prostitution car je reste opposée à la pénalisation d’un acte sexuel tarifé et non contraint entre des adultes. Au-delà de cet exemple, la liberté sexuelle peut, et doit, prendre d’autres formes que celles dont le but est la critique de la violence et de la contrainte.

Tel le travesti, le queer (traduire étrange ou bizarre) est la base de votre remise en cause qui introduit les études du genre dans la théorie de ce siècle nouveau. Que voulez-vous dire ?

Judith Butler. Beaucoup d’autres ont introduit le concept de queer et je me suis rendu compte très tardivement que je faisais partie d’un plus large mouvement appelé queer studies. Le travail que j’ai effectué sur le genre croise certainement les queer studies, mais les études du genre et les queer studies ne sont pas toujours identiques. Il n’est pas historiquement exact de dire que le queer recouvre la notion de genre. Il se peut que certaines lectures dans la théorie du queer aient avancé l’idée du genre, mais elles sont des histoires très distinctes. Le genre a appartenu à l’anthropologie sociale et culturelle bien avant qu’il y ait été question des queer studies. Certains théoriciens du queer ne se sentent pas du tout concernés par le genre, mais plutôt par la sexualité.

Le féminisme constituerait une subversion de l’identité de genre. Vous semblez préciser encore votre analyse dans Défaire le genre (2). Alors s’agit-il de subvertir l’identité ?

Judith Butler. En fait, l’expression « subversion d’identité » est employée dans Trouble dans le genre, mais pas dans Défaire le genre. Je n’ai jamais dit que le féminisme est une lutte pour subvertir l’identité. J’ai seulement souligné que les manières de subvertir l’identité à travers certains types de pratiques sexuelles et performances de genre confondent certaines idées reçues sur le fait d’être une femme ou un homme. Une des raisons de repenser le genre serait de réaliser de plus grandes possibilités sociales et politiques de liberté, d’égalité et de justice. Ces derniers objectifs constituent les buts du féminisme. Ainsi, en refaisant le genre, nous le défaisons.

Votre démarche s’inscrit alors dans une contestation de l’ordre établi patriarcal. Nombre de féministes considèrent pourtant que vous restez en retrait sur ce point ?

Judith Butler. Je ne travaille pas avec le concept du patriarcat, bien que je me rende compte qu’il a joué un rôle important pour de nombreux théoriciens féministes. Je ne pense pas qu’il y ait un ordre culturel simple, que nous l’appelions patriarcal ou symbolique, ou les deux. Mon sentiment est que la culture est dynamique, et qu’une part des questions les plus intéressantes émerge quand différentes valeurs culturelles entrent en contestation. La culture ne peut pas être décrite simplement comme un ordre et les formes de domination et de résistance sont aussi culturellement complexes et dynamiques. Je ne pense pas que tout passe par l’idée de l’ordre. Bien sûr, je vois bien que certains types d’inégalités persistent dans diverses parties du globe. Nous pouvons considérer la liberté des femmes, le fait qu’elles constituent une plus grande partie de la population illettrée que les hommes et que le travail des femmes continue d’être sous-valorisé. Nous pouvons citer aussi bien des formes de discrimination et de violence contre les gays, lesbiennes, bi, trans et intersexes. Mais dans chacun de ces cas, il existe culturellement diverses organisations de pouvoir et différentes manières locales d’intervenir et de résister. Ainsi, bien qu’il puisse être intellectuellement satisfaisant d’indiquer qu’un ordre simple explique tous les exemples, je crois que cela ne nous empêche pas d’effectuer le travail plus difficile de trouver où et comment fonctionne l’oppression, quelles sont les possibilités de résistance et d’autonomisation, et quelles alliances pourraient se constituer parmi les minorités pour dépasser les formes de domination. Le patriarcat ne peut pas expliquer le racisme, et le racisme ne peut pas expliquer l’oppression de genre. Nous avons besoin de mobiliser maintes formes de pouvoir afin d’avoir une coalition intelligente, à base élargie et effective des minorités qui luttent pour un monde plus juste.

Que faites-vous de la marchandisation et l’exploitation capitaliste qui touchent tous les pans de notre planète, y compris le vivant et le corps humain ?

Judith Butler. Mon sentiment est que le capitalisme produit des polarités de plus en plus brutales entre les riches et les pauvres, mais nous voyons aussi que le nombre de pauvres explose actuellement. Le capitalisme est l’une des principales raisons de cette inégalité de masse qui s’accélère, soyons-en sûrs, mais cela fonctionne en tandem avec la dimension coloniale, le racisme et des formes de contrôle de la population pas seulement présentes dans le capitalisme. De même, bien qu’il y ait clairement des bénéfices à faire la guerre, et qu’il est prouvé qu’une énorme industrie de l’armement est lucrative pour beaucoup de pays, y compris le mien, je ne pense pas que la guerre ou la nature de la précarité généralisée qu’elle provoque puissent s’expliquer exclusivement par le capitalisme. De nombreuses populations se retrouvent abandonnées en raison de la guerre, du chômage, mais aussi du fait de la destruction des institutions et des structures sociales et démocratiques.

Dans plusieurs de vos ouvrages, vous liez les enjeux du genre, de l’identité et de l’humanité. La célèbre chanson disait déjà : « L’Internationale sera le genre humain. » Au fond, la déconstruction du genre rejoint-elle cette lutte d’émancipation humaine ?

Judith Butler. Il est sans doute important de noter que je ne suis pas à la recherche d’un monde sans genre. Si je dépiste à certains égards que le genre ne parvient pas à se conformer à un système binaire, et cherche même à développer un vocabulaire plus complexe pour la vie marquée par le genre, c’est parce que je souhaite voir un monde moins violent et plus vivable pour les personnes au genre non conforme. Il n’est pas possible de dépasser ou de nier complètement des normes et des conventions de genre. La lutte est d’apprendre comment travailler avec elles, les transformer, mais aussi reconnaître que beaucoup de communautés sont engagées dans cette lutte pour la transformation sociale. Vous employez le mot « déconstruction » mais, comme vous le savez, ce n’est pas pareil que la destruction. Bien sûr, je ne suis pas opposée à l’émancipation humaine, mais nous devons nous questionner sur le sens profond que nous donnons à l’humain. Qu’en est-il des normes de genre qui ont commandé notre idée de l’humain ? Ou encore quelles normes raciales ? Ainsi l’humain est aussi en train d’être repensé, et cela permet justement de faire un monde plus humain.

Vous dites que le « genre est en quelque sorte un acte » et « l’identité un effet ». Votre vision foucaldienne interroge l’identité en lien avec la « capacité d’agir » (agency) qui renvoie à la complexité ?

Judith Butler. Au début de mes travaux, j’ai mis l’accent sur le genre comme une sorte de loi, et je pense toujours qu’il y a des actes qui, répétés dans le temps, peuvent créer et confirmer une identité de genre. Mais le genre est également une catégorie d’analyse pour penser des concepts politiques essentiels tels que la distinction public-privé, la sphère publique et l’égalité. Quand nous disons que ces concepts politiques sont genrés, nous disons qu’ils ont été constitués à partir de certaines hypothèses de genre. Mais le genre est également quelque chose que nous subissons, une partie de notre formation. Ceci semble évident quand on pense à l’assignation du genre non seulement comme quelque chose qui est arrivé une fois, mais aussi quelque chose qui se produit tous les jours, dans la rue, dans les institutions publiques, au sein des établissements médicaux et juridiques.

(1) Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, éditions La Découverte, 2005. Publié en 1990 aux États-Unis.

(2) Défaire le genre, éditions Amsterdam, 2006.

(3) Vers la cohabitation. Judéité et critique du sionisme, éditions Fayard, 2013. 354 pages.

Source : Humanité Quotidien du 10 Janvier, 2014, entretien réalisé par Pierre Chaillan

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Pour être efficace, la politique familiale doit promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes

Par Hippolyte d’Albis, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à Paris School of Economics et Angela Greulich, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Dans beaucoup de pays, le manque de consensus sur les objectifs de la politique familiale a conduit à la création d’un grand nombre de dispositifs aux effets parfois contradictoires. Une rationalisation de ces instruments autour de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes est à même de porter les missions traditionnelles de la politique familiale. Le cas de la France illustre bien ces enjeux.

Un engagement public important en faveur de la famille

Evaluer l’importance de la politique familiale et la comparer aux autres politiques sociales menées en France n’est pas un exercice aisé. Du fait des multiples instruments en faveurs de la famille, c’est une politique dont les contours sont difficiles à appréhender. Il est néanmoins crucial d’évaluer l’engagement public global afin de mesurer son efficacité et de le comparer à celui qui prévaut dans les autres pays Européens et industrialisés.

politique-familUn premier aperçu de l’importance de la politique familiale peut être obtenu à la lecture des comptes de la protection sociale. Ces derniers indiquent que les dépenses de la branche famille représentent, depuis 2006, entre 2,8 et 2,9% du Produit Intérieur Brut (PIB) et entre 1,9 et 2% du PIB si on se limite aux dépenses qui relèvent du champ des régimes de l’assurance sociale. Ce sont des montants importants, mais, à titre de comparaison, les dépenses de santé représentent près de 11% du PIB. Au total, c’est moins de 10% de l’ensemble des prestations de la protection sociale qui sont consacrées à la famille. Il faut aussi noter que la protection sociale en France repose sur un principe de financement original, qui distingue la France de ses principaux partenaires commerciaux et, en particulier, de l’Allemagne. Les deux tiers du financement sont assurées par une taxation de la rémunération du travail. Ce sont les entreprises, via les cotisations sociales patronales, qui s’acquittent d’une taxe équivalant à 5,1% (exonérations non comprises) de leur masse salariale. Le reste du financement repose sur des impôts tels que la Contribution Sociale Généralisée (CSG) et des impôts et taxes affectées. Un rapport récent de la Cour des Comptes relève que les politiques d’allègement des charges pesant sur le travail et de crédits d’impôt aux entreprises, ont conduit au cours des dernières années à progressivement réduire la part du financement reposant sur les cotisations sociales patronales.

Les comptes de la protection sociale ne permettent d’appréhender qu’une partie du coût pour les finances publiques de la politique familiale. Les familles bénéficient également de réductions d’impôts. Même si l’exercice est un peu périlleux, il est possible de tenter d’évaluer les recettes fiscales qui auraient été perçues si les allègements fiscaux n’avaient pas existé. Le décompte est souvent imparfait car il postule que les comportements des familles, notamment en ce qui concernent les décisions de fécondité et de participation sur le marché du travail, restent les mêmes quelque soit l’environnement fiscal. Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), dont le site internet regorge de statistiques internationales sur la famille et les politiques familiales, les réductions d’impôts associées à la politique familiale ont représenté en 2009 pour la France 0,78% du PIB. C’est de loin, la « niche fiscale » la plus importante ! Au sein des pays appartenant à l’OCDE, seules l’Allemagne et la Slovénie ont des politiques de réduction d’impôt plus importantes, qui représentent respectivement 1,01 et 0,8% de leur PIB. Le taux moyen dans l’OCDE est près de 3 fois plus faible qu’en France avec 0,28% du PIB. En additionnant les dépenses en faveur de la famille et les réductions d’impôt, la France fait partie avec l’Irlande, le Royaume-Uni et le Luxembourg des quatre pays pour lesquels la politique familiale est la plus couteuse pour les finances publiques. Ils devancent les pays scandinaves, pourtant réputés pour leurs politiques familiales. En Allemagne, le coût total de la politique familiale est 23% plus faible qu’en France.

Outre les dépenses directes et les réductions d’impôts, on retrouve la trace de la politique familiale dans le calcul d’un certain nombre d’allocations, notamment sociales et afférentes au logement, dont le montant versé au bénéficiaire dépend de la taille du ménage. Par, exemple, le Revenu de Solidarité Active (RSA) dépend du nombre d’enfants de moins de 25 ans à charge. Ces dépenses, implicitement liées à la politique familiale, peuvent représenter des montants très importants. Camille Landais, Antoine Bozio et Gabrielle Fack ont estimé que les avantages dont bénéficient les retraités qui ont eu des enfants représentaient en 2005, 17,5 milliards d’euros, soit près de 20% du coût total de la politique familiale. Le volume de ces aides dites différées, car versées aux familles après qu’elles aient élevées leurs enfants, sont susceptibles de fortement augmenter avec l’arrivée à la retraites des générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale. Lorsque les droits familiaux à la retraite sont pris en compte, les auteurs estiment que le coût pour les finances publiques de la politique familiale a représenté en 2005, 4,9% du PIB.

Avec la dépense publique d’éducation, qui de façon quelque peu arbitraire n’est pas considérée comme de la politique familiale, les dépenses publiques réduisant pour les familles les dépenses destinées à leurs enfants représentaient, en 2005, 11% du PIB.

Une politique reposant sur une grande diversité d’instruments

La politique familiale française se distingue de celle de ses partenaires par l’extrême diversité des instruments mis en place. La diversité peut être une force car elle permet de répondre aux multiples cas particuliers que représentent les familles ; elle peut également être une faiblesse si elle révèle une double absence de choix politiques et d’évaluation des coûts et avantages des différents instruments.

En s’accommodant d’un certain niveau de généralité, il est possible de définir un instrument de la politique familiale comme un moyen de réduire le coût que représente un enfant pour ses parents, ou plus précisément, comme un transfert de ce coût au reste de la société. De façon assez intuitive, en permettant la réduction de ce coût, la politique familiale encourage les familles à avoir plus d’enfants. Ce type de raisonnement a été rationalisé par Gary Becker et par un grand nombre d’économistes après lui. Il est possible de distinguer deux grands types d’instruments permettant la réduction du coût de l’enfant. Les instruments reposant sur des « transferts monétaires » visent à compenser une partie des dépenses effectuées pour les enfants. De façon complémentaire, les « transferts en temps » ont pour objet de réduire le coût d’opportunité engendré par la perte de salaire des parents souhaitant s’occuper de leurs enfants.

Les instruments reposant sur des transferts en temps sont les plus anciens et sont historiquement associés à la politique d’instruction et d’éduction publique. Avant 6 ans, la scolarisation n’est pas obligatoire, mais les écoles maternelles, créées en 1881, représentent pour 97% des enfants de 3 à 6 ans une offre de garde gratuite. Avant 3 ans, la situation est beaucoup plus hétérogène. Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du Ministère des Affaires Sociales, en 2002 seuls 10% des enfants en bénéficiaient d’une garde collective. 22% bénéficiaient d’assistantes maternelles ou de gardes à domicile subventionnes tandis que les 68% restant étaient gardés par leurs parents ou grands parents. Avec un tiers des enfants bénéficiant d’une garde subventionnée, la France demeure un des pays de l’OCDE pour lequel le taux de couverture est le plus élevé. Depuis 2002, le nombre de places dans une structure d’accueil ou familiale est passé de moins de 319.000 à près de 374.000. Au premier janvier 2011, le nombre d’enfants de moins de 3 ans était de 2,26 millions. Selon l’OCDE, les dépenses publiques françaises liées à la garde d’enfant et à l’éducation avant 6 ans représentaient 1,1% du PIB en 2009, soit des niveaux équivalents à ceux de la Finlande et du Royaume-Uni. Ces investissements sont inférieurs à ceux du Danemark et de la Suède, qui atteignent 1,4% du PIB mais supérieurs à ceux de l’Allemagne qui ne consacre que 0,5% de son PIB à ce type de dépenses.

Les instruments reposant sur des transferts monétaires sont plus récents. Réservés à certains salariés dans les années 1930, ils sont généralisés et revalorisés pendant la guerre et en 1945 par les ordonnances assurant la création du système de sécurité sociale. Certaines prestations, telles que les allocations familiales, l’allocation de soutien familial, ou l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ont un caractère universel, ce qui signifie que seuls le nombre d’enfants et le rang de naissance sont pris en compte. D’autres prestations dépendent aussi des revenus du ménage. C’est le cas du complément familial, de l’allocation de rentrée scolaire, et de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). La tendance est à la réduction de la part des prestations universelles. D’après la Caisse d’Allocations Familiales (CAF), les allocations familiales, qui représentaient 60% des prestations familiales en 1990, ne représentaient plus que 40,5% en 2011. En revanche, la Paje, créée en janvier 2004, représentait 40% des prestations familiales en 2001. Selon la DRESS, 6,8 millions de familles bénéficiaient fin 2011 de prestations familiales.

Les réductions d’impôts sont également des transferts monétaires, même si ces derniers sont implicites. Le système du quotient familial, créé en 1945, est ainsi l’instrument le plus unique de la politique familiale française. Avec son compagnon, le quotient conjugal, il consiste en un ajustement du revenu du ménage au nombre d’individus qui le compose. Ceci revient, approximativement, à partager le revenu entre les membres du ménage avant d’appliquer le taux de taxation à chaque part. Du fait de la progressivité de l’imposition du revenu, le système produit une réduction d’impôt croissante avec le revenu. Les défenseurs de ce système rappellent que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 stipule que la pression fiscale doit être partagée équitablement entre les citoyens en fonction de leur « capacité contributive ». Il n’en reste pas moins que pour un même revenu un couple avec deux enfants paiera moins d’impôt qu’un couple sans enfant, ce qui représente un transfert en faveur des familles. De même, les enfants ne sont pas traités symétriquement car leur rang de naissance intervient dans le calcul de la réduction d’impôt.

Enfin, certains instruments combinent des transferts en temps et en argent. Les plus symboliques sont le congé maternité, créé en 1909 et rémunéré pour toutes les femmes salariées depuis 1970, et le congé de paternité créé en 2002. Les parents bénéficient d’une rémunération mais également de temps pour s’occuper de leurs enfants. A l’issue de ce congé, des prestations (tel que le complément de libre choix d’activité qui a remplacé l’allocation parentale d’éducation, APE) sans conditions de ressources mais sous conditions relatives à l’activité professionnelle passée sont offerte aux salariés souhaitant garder eux-mêmes leurs enfants en bas âges. Au sein des pays de l’OCDE, la France fait partie des pays où la durée rémunérée du congé parental est la plus élevé. Elle est environ deux fois plus longue qu’en Allemagne et que dans la moyenne des pays de l’OCDE. Les promoteurs de ces politiques insistent aussi sur l’importance de laisser aux parents le choix de l’environnement socio-pédagogique dans lequel leur enfant évoluera. Le complément de libre choix du mode de garde offre cette possibilité.

Cette grande diversité d’instruments ne représente bien sûr que le versant budgétaire de la politique familiale. Les législations sur le mariage, le divorce, la contraception, l’avortement participent également à la réalisation des objectifs politiques et sociétaux relatifs à la famille.

Les politiques familiales en Allemagne

L’Allemagne se caractérise par une fécondité beaucoup plus faible qu’en France et une situation des femmes sur le marché du travail plus précaire. La politique allemande repose sur un système généreux d’allocations forfaitaires et de réductions d’impôts, notamment via un quotient conjugal. Les frais de modes de garde permettent donnent quant à eux droit à de faibles déductions d’impôts. De façon générale, l’offre de garde d’enfants en bas âges est peu développée. Pour les enfants de plus de 3 ans, les Kindergarten et, ensuite les écoles, sont souvent fermées l’après-midi. Depuis 2007, l’Allemagne offre un congé parental similaire au système suédois : il dure 12 mois et la compensation est proportionnelle au salaire. Les pères sont incités à prendre au moins deux mois de congés. De fait de l’insuffisance manifeste de crèches, ce système connait néanmoins un succès mitigé quant au retour des femmes sur le marché du travail. En 2013, le gouvernement allemand a mis en place une nouvelle allocation destinée aux parents au foyer, le Betreuungsgeld, qui risque de renforcer l’exclusion des femmes du marché du travail.

Deux grands objectifs traditionnels : la natalité et la réduction des inégalités

La famille ne fait pas partie des missions régaliennes de l’Etat et il est légitime de se demander ce qui justifie l’intervention massive de la puissance publique dans ce qui relève des choix de la sphère privée. Il est, en outre, utile de recenser ces objectifs afin d’évaluer la capacité des différents instruments à les atteindre.

Historiquement, les politiques familiales ont pour objectif de favoriser la natalité. L’Europe continentale de l’Ouest, et en particulier la France, connaissaient depuis le 19ème siècle une baisse de la fécondité dont les possibles conséquences ont suscité des débats passionnés. Au cours de la première moitié du 20ème siècle, les gouvernements prendront clairement le parti des nativistes et s’engageront dans la lutte contre la dépopulation, systématiquement associée au mythe du déclin. Des lois en faveur du mariage sont alors votées et des instruments financiers seront mis en place. L’objectif nataliste reste important pour certains groupes sociaux et, selon les gouvernements, garde plus où moins de place dans les arbitrages relatifs à la politique familiale. Il se distingue d’un objectif d’accroissement de la population qui est également favorable à l’immigration. Néanmoins, la population de la plupart des pays d’Europe n’a pas connu de diminution et les alarmes relatives à la dépopulation se sont avérées excessives. Les craintes justifiant l’objectif nataliste ont donc été reformulées. C’est la lutte contre le vieillissement de la population qui est devenu le nouveau cheval de bataille des nativistes, dont le livre publié en 1946, « Des Français pour la France » de Robert Debré et Alfred Sauvy, est un des plus symboliques. Associée au vieillissement, la problématique du financement du système de retraite par répartition, est aujourd’hui le principal enjeu de société mis en avant par les promoteurs de l’objectif nataliste.

Un second objectif s’est petit à petit accolé à l’objectif initial. Il s’agit d’un objectif social, qui lui-même se décline en plusieurs facettes. Traditionnellement, la politique familiale permet un transfert des familles les moins nombreuses vers les familles les plus nombreuses, afin de corriger l’inégalité dont pâtissent les enfants nés dans les familles nombreuses. La justification repose sur un principe d’égalisation des opportunités de tous les enfants. Mais comme le nombre d’enfants résulte en grande partie d’un choix des familles, l’objectif social conduit à favoriser celles qui font ce choix. Outre la question des inégalités relatives, la question de la pauvreté des enfants conduit, dans le cadre d’un objectif social, à des actions spécifiques de la politique familiale en faveur des enfants des familles les plus pauvres. Il est enfin parfois difficile, même dans le cadre des politiques familiales, d’exclure un critère purement social qui promeut une redistribution des familles les plus riches vers les familles les plus pauvres. A nombre d’enfants égal, les instruments de la politique familiale sont parfois jugés en fonction de leur capacité à réduire les inégalités.

Les deux grands objectifs de la politique familiale ne sont a priori pas nécessairement contradictoires. Les familles pour lesquelles les niveaux d’éducation et de revenu des parents sont les plus élevés sont, en moyenne, aussi celles qui ont le moins d’enfants. Un instrument favorisant les familles nombreuses favorisera donc également les familles les plus pauvres. Pourtant, certains économistes, dont les travaux sont souvent dans la lignée de Gary Becker, pensent que l’investissement des parents dans la réussite de chaque enfant décroit avec le nombre d’enfants. En recevant moins d’attention, les enfants des familles nombreuses réussiraient moins bien leur parcours scolaire et leur insertion professionnelle. Cette relation causale est difficile à prouver, mais si elle était avérée, l’objectif nataliste rentrait alors en contradiction avec l’objectif social car il favoriserait la reproduction des inégalités sociales. La multiplicité des objectifs n’est pas une spécificité de la politique familiale et la plupart des politiques non régaliennes, telle que l’éducation, le soutien aux personnes âgées, le logement, l’aménagement du territoire, etc. ont également une dimension sociale. Des oppositions peuvent portant apparaître quand au degré de redistribution d’un instrument de la politique en question. Les tenants de l’objectif nataliste défendront les instruments les plus favorables à la fécondité tandis que les tenants de l’objectif social favoriseront les instruments redistributifs. Les rapports d’experts sur la politique familiale peuvent ainsi proposer des recommandations différentes (voir notamment le rapport de Michel Godet pour l’Institut Montaigne et celui de Guillaume Macher pour Terra Nova).

Un objectif intermédiaire : la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes

De façon plus récente, un objectif intermédiaire se dessine. Par exemple, dans le cadre de la rénovation de la politique familiale, le gouvernement français a réaffirmé en juin 2013 que la politique devait favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes. Plus généralement, cet objectif d’égalité mené dans le cadre des politiques familiales comporte deux dimensions. Sur le plan économique, elle vise à améliorer la situation des femmes sur le marché du travail, ou au minimum à faire en sorte que les instruments choisis ne détériorent pas cette situation. C’est la participation des femmes au marché du travail, leur capacité à retrouver un emploi à la suite d’une maternité et l’ensemble de la carrière professionnelle qui deviennent alors les objectifs intermédiaires de la politique. Sur le plan de la vie familiale, la promotion de l’égalité vise à accroître l’indépendance économique des femmes et à susciter un partage plus équitable des taches domestiques au sein du ménage. Au final, c’est une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale qui est recherchée afin de permettre aux femmes de ne pas avoir à choisir.

L’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes s’oppose t’il à l’objectif nataliste ? Il est certain que le fait d’avoir des enfants a un effet sur la carrière des femmes. Dans une étude publiée en 2009, Julie Moscion démontre que l’effet causal est relativement important en France. Elle trouve que le fait d’avoir plus de deux enfants diminue la probabilité des mères d’être en activité de 0,2 et, lorsqu’elles sont en emploi, le nombre d’heures travaillées par semaine de deux heures. Ceci ne signifie cependant pas que les deux objectifs de la politique familiale sont incompatibles : promouvoir l’égalité signifie que les instruments favorisant la natalité, mais sans réduire la participation des femmes sur le marché du travail, seront préférés. L’âge à la première maternité semble, de ce point de vue, particulièrement important. Amalia Miller a montré, en utilisant des enquêtes américaines, que repousser d’un an la maternité conduisait à une augmentation significative des salaires perçus et des heures travaillées par les femmes (les revenus au cours de la carrière sont ainsi augmentés de 9%) et à une amélioration de la réussite scolaire de leurs enfants.

Promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes ne s’oppose pas non plus à l’objectif social car, par définition, une plus grande participation des mères au marché du travail réduit les inégalités de revenus entre les familles de taille différentes. De façon importante, des études récentes suggèrent que l’implication des deux parents auprès des enfants a des effets significatifs sur les résultats scolaires et le développement socio-émotionnel des enfants (voir, en particulier, l’étude australienne de Jennifer Baxter et Diana Smart sur l’effet du temps passé par les pères).

Les politiques familiales sont elles efficaces ?

L’évaluation des politiques publiques connait aujourd’hui un profond renouvellement. Les études proposant des comparaisons internationales permettent de mettre en lumière des corrélations statistiques. Elles souffrent néanmoins de biais liés aux différences entre les pays non prises en compte par l’analyse. Les études microéconomiques permettent de mieux appréhender les relations de causalité, notamment lorsqu’elles exploitent des changements de législation non anticipés. Elles ne permettent néanmoins pas d’avoir une appréciation globale d’une politique aux multiples instruments (Cf. la note du Conseil d’Analyse Economique). Néanmoins, comme le rappelle Olivier Thévenon, l’évaluation des politiques familiales connait des difficultés spécifiques liées au caractère planifié de la décision d’avoir un enfant et à la difficulté de distinguer les effets sur le taux de fécondité de ceux affectant la descendance finale.

Dans leurs études publiées récemment, Olivier Thévenon et Angela Luci-Greulich montrent que les pays aux politiques familiales ambitieuses sont ceux pour lesquels la natalité est la plus forte. La plupart des instruments ont un effet positif mais c’est la combinaison d’un grand nombre d’instruments qui, comme en France, permet de répondre aux besoins spécifiques des différentes classes de la population et conduit à des taux de fécondité plus élevés qu’ailleurs (Cf. la dernière note de conjoncture démographique de la revue Population). Ceci est d’autant plus efficace que la participation des femmes au marché du travail est élevée. Plus spécifiquement, les allocations versées après l’année de la naissance et l’offre de garde d’enfants ont des effets plus importants que les allocations versées à la naissance et les congés parentaux. Ces politiques favorables à la natalité entraînent néanmoins des effets collatéraux importants.

Plusieurs études françaises permettent d’évaluer plus précisément les avantages et inconvénients des différentes politiques. Les transferts monétaires, tels que les allocations familiales et les réductions d’impôt ont été analysés dans de nombreuses études et, en particulier, par Guy Laroque et Bernard Salanié. Ces transferts augmentent la descendance finale mais réduisent la participation des femmes sur le marché du travail, notamment pour les moins qualifiées. Concernant plus spécifiquement les réductions d’impôts, Camille Landais a étudié l’effet du changement de législation de 1981 pour évaluer les bénéfices du quotient familial. Il trouve que l’effet sur la probabilité d’avoir un enfant est très faible. Cette faible performance est à mettre en regard de l’effet anti-redistributif des réductions d’impôts. Plus récemment, Clément Carbonnier a montré que le quotient conjugal réduisant la participation des femmes sur le marché du travail, notamment pour les ménages à revenus moyens et élevés et lorsque l’écart de salaire est important au sein du couple.

Concernant le mode de garde d’enfants, les études sont également unanimes. En analysant la décision d’étendre l’Allocation parentale d’éducation au deuxième enfant, Thomas Piketty a montré que ce système de congé parental avait un effet très faible sur la natalité au prix d’une forte réduction de la participation des femmes sur le marché du travail. Cet effet a été confirmé par Julie Moschion qui met l’accent sur le rôle joué par la compensation financière dans la réduction. En revanche, la préscolarisation a un effet positif sur l’activité des femmes. Dominique Goux et Eric Maurin établissent cet effet pour les mères célibataires tandis que Julie Moschion le montre pour les mères diplômées du supérieur.

La promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes comme objectif intermédiaire de la politique familiale permet d’identifier les instruments qui permettent de réconcilier les objectifs traditionnels, qu’ils soient natalistes ou sociaux. Elle conduit à préconiser l’imposition individuelle des revenus et à transférer le coût implicite des réductions d’impôts à des investissements dans des crèches et dans la formation des assistantes maternelles. Elle suggère également une extension des congés de maternité et de paternité à l’instar des congés parentaux proposés en Suède ou en Allemagne. Ces congés, plus courts et potentiellement mieux rémunérés, viendraient en remplacement du Complément de libre choix d’activité.

Conclusion

Un engagement financier important du gouvernement en faveur des politiques familiales permet de soutenir la natalité et de ralentir le vieillissement de la population. Néanmoins, certaines politiques contribuent à renforcer les inégalités, que ce soit entre les familles ou entre les sexes. Les instruments qui permettent aux femmes de concilier leur vie professionnelle avec leur vie familiale sont plus efficaces que les autres car ils réduisent aussi les inégalités. La promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes ne doit cependant pas se cantonner à la politique familiale et doit, notamment, investir les politiques du marché du travail.

Bibliographie

J. Baxter et D. Smart (2011). Fathering in Australia Among Couple Families with Young Children. Australian Department of Families, Housing, Community Services and Indigenous Affairs, Occasional Paper No. 37

G. Becker (1960). An Economic Analysis of Fertility, in Demographic and Economic Change in Developed Countries. NBER

N. Blanpain (2006). Scolarisation et modes de garde des enfants âgés de 2 à 6 ans. Etudes et Résultats : 497. DREES

C. Carbonnier (2008). Spouse labor supply: fiscal incentive and income effect, evidence from French fully joint income tax system,” THEMA Working Papers 2008-20

Conseil d’Analyse Economique (2011). Evaluation des politiques publiques. Les Notes du CAE n°1

Cour des Comptes (2013). Le financement de la branche famille

M. Godet (2011). Repenser la politique familiale. Institut Montaigne

D. Goux et E. Maurin (2010). Public school availability for two-year olds and mothers’ labour supply. Labour Economics 17 (6), pages 951-962

C. Landais (2003). Le quotient familial a-t-il stimulé la natalité française ?, Economie Publique 13, pages 3-31.

C. Landais, A. Bozio et G. Fack (2008). Politique familiale et droits familiaux de retraite.

G. Laroque et B. Salanié (2008). Does Fertility Respond to Financial Incentives?, CESifo Working Paper Series 2339

G. Laroque et B. Salanié (2013). Identifying the Response of Fertility to Financial Incentives. A paraître au Journal of Applied Econometrics.

M. Mazuy, M. Barbieri et H. d’Albis (2013). L’évolution démographique récente en France : La fécondité est stable. Population 3.

A. Miller (2009). Motherhood Delay and the Human Capital of the Next Generation. American Economic Review 99(2), pages 154-158

A. Miller (2011). The effects of motherhood timing on career path. Journal of Population Economics, 24(3), pages 1071-1100

J. Moschion (2009). Offre de travail des mères en France : l’effet causal du passage de deux à trois enfants. Économie et Statistique 422(1), pages 51-78

J. Moschion (2010). Reconciling Work and Family Life: The Effect of the French Paid Parental Leave. Annales d’Economie et de Statistique 99-100, pages 217-246

J. Moschion (2012). Concilier vie familiale et vie professionnelle. L’effet de la préscolarisation. Revue économique 63 (2), pages 187-214

T. Piketty (2005). L’impact de l’allocation parentale d’éducation sur l’activité féminine et la fécondité en France, 1982-2002, in Lefèvre C. (Ed.): Histoires de familles, histoires familiales, Les Cahiers de l’INED 156, pages 79-109.

Terra Nova (2011). Politique familiale : D’une stratégie de répartition à une stratégie d’investissement social

O. Thévenon (2009). Does Fertility Respond to Work and Family-life Reconciliation Policies in France? Dans Noriyuki Takayama and Martin Werding : Fertility and Public Policy: How To Reverse the Trend of Declining Birth Rates, Cambridge MA and London UK: MIT-Press, chapitre 10.

O. Thévenon et A. Luci (2012). Reconciling Work, Family and Child Outcomes: What Implications for Family Support Policies? Population Research and Policy Review 31 (6), pages 855-882

O. Thévenon et A. Luci-Greulich (2013). The impact of family policy packages on fertility trends in developed countries. European Journal of Population 29 (2)

Source de l’article :

H. d’Albis, A. Greulich (2013) : « Pour une politique familiale efficace »,  Problèmes Economiques, Dossier Journées de l’Economie de Lyon 2013 (JECO), pp. 53-59. télécharger le pdf ici

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Women’s rights in the Arab world

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Gender Gap Index 2013: Increased Political Participation Helps Narrow Global Gender Gap

The world’s gender gaps narrowed slightly in 2013 on the back of definite if not universal improvements in economic equality and political participation between the sexes, according to the World Economic Forum’s Global Gender Gap Report 2013.

The eighth annual edition of the Report ranks 136 countries on their ability to close the gender gap in four key areas: economic participation and opportunity, political empowerment, health and survival, educational attainment, political participation and economic equality. Of the 133 countries that were measured in both 2012 and 2013, 86 actually improved their gender gap during this time. Overall, the Report finds Iceland the most advanced country in the world in terms of gender equality for the fifth year running. It, along with Finland (2nd), Norway (3rd) and Sweden (4th), has now closed over 80% of its gender gap. These countries are joined in the top 10 by the Philippines, which enters the top five for the first time, Ireland (6th), New Zealand (7th), Denmark (8th), Switzerland (9th) and Nicaragua (10th).

rankingElsewhere, in 14th place Germany is the highest-placed individual G20 economy, although it falls one place from 2012. Next is South Africa (17th, down one), the United Kingdom (level on 18th) and Canada (down one to 20th). The United States comes 23rd, also down one place since 2012. After South Africa, the next highest BRICS nation is Russia (61st), followed by Brazil (62nd), China (69th) and India (101st). At the bottom of the ranking are Chad (134th), Pakistan (135th) and Yemen (136th).

At the global level, the Report finds that in 2013, 96% of the health and survival gender gap has now been closed. It is the only one of the four pillars that has widened since the Report was first compiled in 2006. In terms of education, the global gender gap stands at 93%, with 25 countries having closed their gaps completely. The gender gaps for economic equality and political participation are only 60% and 21% closed respectively, although progress is being made in these areas, with political participation narrowing by almost 2% over the last year. In both developing and developed countries alike, relative to the numbers of women in tertiary education and in the workforce overall, women’s presence in economic leadership positions is limited.

Europe’s progress towards eliminating its gender gap is polarized, with countries from Northern and Western Europe presenting a stark contrast to those from the South and East. Spain comes in 30th, having closed 72% of its gender gap, France ranks 45th (70% closed) while Italy ranks 71st.

The Philippines is the highest ranking country in Asia, primarily due to success in health, education and economic participation. China stays in the same position as last year. India remains the lowest-ranked of the BRICS economies, even after gaining four places. Japan (105th) slips four places despite some improvements in the economic participation and opportunity subindex score. Japan is followed in the region by the Republic of Korea (111th).

Latin America’s leading nation when it comes to closing the gender gap is Nicaragua. At 10, it has now ranked in the top 10 for two years, largely on the back of a strong performance in terms of political empowerment. Cuba is next (15th), followed by Ecuador (25th). Mexico climbs 16 places to 68, due to increases in the number of female parliamentarians and the number of women in professional roles. Brazil holds firm at 62 despite a slight improvement in its overall score.

The Middle East and North Africa is the only region not to have improved its overall standing in 2013. The highest placed country in the region is the United Arab Emirates (109th), which has achieved parity in education. Nevertheless most countries in the region, including Bahrain (112th), Qatar (115th) and others are still failing to adequately capitalize on the investments in education through greater economic and political contributions from women.

A number of countries in Africa fare relatively well in this year’s Report, with Lesotho (16th), South Africa (17th), Burundi (22nd) and Mozambique (26th) all in the top 30. This is largely due to the participation of women in the workforce. Through this economic activity, women have greater access to income and economic decision-making, but are often present in low-skilled and low-paid sectors of the economy.

The index shows four broad groups emerging. The first group comprises those that have made investments in women’s health and education and are now seeing a return in terms of economic and political participation. In a second group are countries that are investing in these areas yet failing to exploit their additional talent pool due to prevailing social and institutional barriers. In the third group are countries where significant education and health gaps are preventing women from achieving their full potential even though they fulfill an important role in the workforce, often in low-skilled labour. The last group comprises countries that have large education, economic and political gaps.

“Countries will need to start thinking of human capital very differently – including how they integrate women into leadership roles. This shift in mindset and practice is not a goal for the future, it is an imperative today,” said Klaus Schwab, Founder and Executive Chairman of the World Economic Forum.

“Both within countries and between countries are two distinct tracks to economic gender equality, with education serving as the accelerator. For countries that provide this basic investment, women’s integration in the workforce is the next frontier of change. For those that haven’t invested in women’s education, addressing this obstacle is critical to women’s lives as well as the strength of economies,” said Saadia Zahidi, co-author of the Report and Head of the Women Leaders and Gender Parity Programme.

The figure below shows the relationship between the Global Gender Gap Index and the Human Development Index. The figure confirms a positive correlation between gender equality and the level of human development (education, income and health). While correlation does not prove causality, it is consistent with the theory and mounting evidence that empowering women means a more efficient use of a nation’s human capital endowment and that reducing gender inequality enhances productivity and economic growth.

Relationship between the Human Development Index 2012 and the Global Gender Gap Index 2013:hdi

Source: Global Gender Gap Index 2013 and UNDP, International Human Development Indicators online database, 2012 (accessed September 2013).
Note: Global Gender Gap Index and Human Development Index scales have been truncated to enhance readability.

The Global Gender Gap Report’s index assesses 136 countries, representing more than 93% of the world’s population, on how well resources and opportunities are divided among male and female populations. The Report measures the size of the gender inequality gap in four areas:

Economic participation and opportunity – salaries, participation and highly skilled employment

Educational attainment – access to basic and higher levels of education

Political empowerment – representation in decision-making structures

Health and survival – life expectancy and sex ratio

Index scores can be interpreted as the percentage of the gap that has been closed between women and men. Of these, 110 have been covered since the first edition of the Report in 2006. Of the 14 variables used to create the index, 13 are from publicly available hard data indicators from international organizations such as the International Labour Organization, the United Nations Development Programme and the World Health Organization.

The magnitude and particulars of gender gaps in countries around the world are the combined result of various socio-economic and cultural variables. The closure or continuation of these gaps is intrinsically connected to the framework of national policies in place. For the third consecutive year, the Report includes new data from a survey of various national ministries analysing the use of policies designed to facilitate female workforce participation in 87 countries.

Read the Global Gender Gap Report: http://wef.ch/gggr13full

Watch video interviews on the Report: http://wef.ch/gggr13video

Use interactive heatmap: http://wef.ch/gggr13map

Remark by the blog author:

Note that Germany is relatively high ranked (14 out of 136 countries) due to a high score in women’s political participation (taking into account the percentage of women in parliament and in ministerial positions and the number of years with a female head of state!). Having Angela Merkel as head of state is thus one of the main reasons why Germany’s  Gender Gap Index suggests low gender discrimination . However, among European countries, Germany is by far not known as being the most advanced in gender issues. Actually, Germanys’ very low fertility rates under replacement level and the low full-time employment rates of German mothers reflect serious barriers to economic participation for German women who want to have a family at the same time.  The Global Gender Gap report underestimates these barriers by taking into account general employment rates only, but not numbers of weekly working hours – a choice that is made to guarantee the largest possible international country coverage.

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Women, Business and Law

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L’égalité des femmes devant la loi – l’activité économique des femmes toujours limitée

Un nouveau rapport révèle que les barrières juridiques et réglementaires qui entravent la participation des femmes à la vie économique ont globalement diminué durant les cinquante dernières années, même si de nombreuses lois défavorables aux femmes sont encore en vigueur.

Un nouveau rapport Banque mondiale/IFC révèle que les barrières juridiques et réglementaires qui entravent la participation des femmes à la vie économique ont globalement diminué durant les cinquante dernières années, même si de nombreuses lois défavorables aux femmes sont encore en vigueur. Les lois qui limitent l’activité économique des femmes se retrouvent en grande partie dans les régions Moyen-Orient et Afrique du Nord, Afrique subsaharienne et Asie du Sud.

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Troisième de la série, le rapport Women, Business and the Law 2014 :Removing Restrictions to Enhance Gender Equality (Les Femmes, l’Entreprise et le Droit : Lever les obstacles au renforcement de l’égalité hommes-femmes) examine les réglementations défavorables aux femmes entrepreneurs et salariées dans 143 pays. Il relève les réformes engagées durant les deux dernières années, examine l’évolution du droit de la femme à la propriété et des dispositions légales permettant sa participation à la prise de décisions depuis 1960, et élargit son champ d’application à l’examen des protections juridiques contre les violences faites aux femmes.

« L’idéal d’égalité devant la loi et d’égalité des chances sur le plan économique n’est pas juste une mesure sociale avisée, c’est un choix de politique économique judicieux », a déclaré Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale. « Quand les femmes et les hommes participent à la vie économique sur un pied d’égalité, ils peuvent investir leur énergie à bâtir une société plus solidaire et une économie plus robuste. Le moyen le plus sûr d’aider à enrichir la vie des familles, les communautés et les pays est de permettre à chaque individu de valoriser au maximum son potentiel créatif. »

« Notre dernière édition de Les Femmes, l’Entreprise et le Droit montre que de nombreux pays font des progrès, et évoluent graduellement vers l’éradication des formes tenaces de discrimination à l’égard des femmes », a dit Kim. « Mais beaucoup reste à faire. »

Le rapport constate que 44 pays ont adopté 48 réformes juridiques, améliorant ainsi les perspectives économiques des femmes durant les deux dernières années. La Côte d’Ivoire, le Mali, les Philippines et la République slovaque ont été les plus grands réformateurs. Entre autres mesures, les maris ne peuvent plus empêcher unilatéralement leurs femmes de travailler en Côte d’Ivoire et au Mali, les Philippines ont levé les restrictions au travail de nuit pour les femmes, et la République slovaque a augmenté la part du salaire versé durant le congé de maternité.

Selon le rapport, c’est dans les économies d’Europe de l’Est et d’Asie centrale que le nombre d’emplois interdits aux femmes est le plus important. À titre d’exemple, en Fédération de Russie, les femmes ne sont pas autorisées à conduire des engins agricoles ; en Biélorussie, elles ne peuvent pas exercer le métier de menuisier ; et au Kazakhstan, elles ne peuvent pas être soudeuses. Ces restrictions sont peut-être imposées dans un souci de protéger les femmes, mais elles peuvent limiter les perspectives d’emploi de ces-dernières. Le rapport montre que dans les économies où les restrictions à l’emploi sont les plus importantes, les femmes travaillent moins dans le secteur formel.

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Selon Augusto Lopez-Claros, Directeur, Indicateurs mondiaux et analyses, au Groupe Banque mondiale,« les progrès vers l’égalité des sexes devant la loi s’accélèrent ». « Nos données montrent qu’au cours des cinquante dernières années, partout dans le monde, les pays ont commencé à lever des restrictions établies de longue date qui limitaient la capacité des femmes à participer plus pleinement à la vie économique. Bien que ce processus ne soit pas uniformément appliqué dans le monde entier, il est généralement admis que l’émancipation économique des femmes est essentielle à la compétitivité et à la prospérité. »

Entre 1960 et 2010, plus de la moitié des restrictions au droit d’accès des femmes à la propriété et à leur capacité à accomplir des actes juridiques ont été supprimées dans les 100 pays examinés. Dans trois régions (Afrique subsaharienne, Amérique latine et Caraïbe, et Asie de l’Est et Pacifique), elles ont été réduites de moitié. Les régions Asie du Sud et Moyen-Orient et Afrique du Nord présentent les performances les plus faibles, même si elles ont levé certaines restrictions.

Une autre innovation majeure du rapport est qu’il donne de nouvelles informations sur l’existence et le champ d’application de lois relatives à deux domaines touchant aux violences faites aux femmes : le harcèlement sexuel et les violences domestiques. Ces informations, qui portent sur 100 pays, montrent que les textes interdisant le harcèlement sexuel en milieu professionnel sont largement répandus — 78 pays ont légiféré sur ce problème et plus de la moitié d’entre eux l’ont érigé en crime. Les législations sur les violences domestiques sont aussi largement répandues — 76 pays ont adopté des lois interdisant ces pratiques. La région Moyen-Orient et Afrique du Nord compte le nombre le moins important de lois sur les violences domestiques.

Selon le rapport, moins la l’égalité des sexes est établie en droit, moins les femmes accèdent à la propriété des entreprises, alors que des politiques les encourageant à rejoindre le marché du travail et à y rester se traduisent par une égalité accrue de revenus. Il existe certes des signes encourageants d’amélioration des perspectives économiques des femmes partout dans le monde, mais de nombreux pays peuvent faire mieux pour assurer la participation des femmes

Source: World Bank

‘key findings’ du rapport en anglais

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Can cash transfers increase fertility rates?

Most developed countries with relatively high fertility rates around replacement level (2,1 children per women), like France or the Nordic countries, have a comprehensive mix of different family policy instruments. The reason why these countries have been experiencing a re-increase in fertility rates over the last decade cannot be attributed to one single family policy measure such as cash benefits, but the whole policy setting and its interactions with labour market participation and gender equality has to be considered.

It is true that countries like France or Sweden have relatively generous child allowances (lump sum cash transfers), but other instruments like child care subsidies or parental leave pay are even more generous and even more important. In general, we can observe that  countries which privilege cash transfers against child care or parental leave, such as Germany, Italy  and many Eastern European countries, have relatively low fertility rates (around 1,4 children per women). Giving pure financial incentives to parents, in the form of monthly cash transfers or generous birth grants, seems not to be a fruitful way to increase fertility.

Fertility Rate

What seems to work more is offering parents the possibility to combine work and family life. In high fertility countries such as France and Sweden,  most women, even the highly qualified, work and have children at the same time. In low fertility countries such as Germany, Austria or Italy, women either work or have children. If they have children, many women work maximum part time. It is rare that women with young children work full time in these countries. The dichotomous choice between having children and pursuing a career results in the fact that many high qualified women postpone childbirth (they often have their first child after the age of 35) or do not have children at all. This reduces total fertility rates.

Policies can of course help these women to achieve a better work-life balance. By this indirect means, family policies are able to increase fertility rates, whereas pure pronatalist policies such as birth grants are unlikely to increase fertility in the middle and long run.

How can family policies increase the work-life balance? France and Sweden for example invests a lot in an area-wide child care system. The child care coverage rate for the youngest children below the age of three is above 40% in both countries, whereas in Germany and Austria the rate is only around 15%. In France, public child care, ‘crèches’ (nurseries), nannies and child miners, are generously subsidized and children go to an all-day school from the age of three on.  In Sweden, parental leave provides parents a 80% net wage substitution during the first 12 months after childbirth, which encourages parents to work before childbirth, to return to the labour market shortly after childbirth and to share tasks among parents.

Together with cash transfers for parents with low income, child care  and parental leave  can contribute to a comprehensive policy mix facilitating parents’ work-life balance. Over and above, family policies are all the more efficient if they go hand in hand with labour market and gender equality policies encouraging women’s careers (mentoring programs, quotas, correct working conditions after return of maternity or parental leave etc.). By encouraging women’s work-life balance, family policies can not only succeed in fulfilling pronatalist objectives. By increasing female employment, they can also reduce income poverty, increase gender equality, create tax income, and by all these means support child development and prevent population aging.

Angela Luci-Greulich, Assistant Professor in Economics at Sorbonne University, Paris, France.

Further reading:

A. Luci-Greulich, O. Thévenon (2013): “The impact of family policy packages on fertility trends in developed countries.” European Journal of Population, July 2013.

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The Impact of Family Policies on Fertility Trends in Developed Countries

A new article has been published in the European Journal of Population on fertility and family policies in Europe. Here is the abstract and the link to the article:

Abstract

We examine how strongly fertility trends respond to family policies in OECD countries. In the light of the recent fertility rebound observed in several OECD countries, we empirically test the impact of different family policy instruments on fertility, using macro panel data from 18 OECD countries that spans the years 1982–2007. Our results confirm that each instrument of the family policy package (paid leave, childcare services and financial transfers) has a positive influence on average, suggesting that the combination of these forms of support for working parents during their children’s early years is likely to facilitate parents’ choice to have children. Policy levers do not all have the same weight, however: in-cash benefits covering childhood after the year of childbirth and the provision of childcare services for children under age three have a larger potential influence on fertility than leave entitlements and benefits granted around childbirth. Moreover, we find that the influence of each policy measure varies across different family policy contexts. Our findings are robust after controlling for birth postponement, endogeneity, time-lagged fertility reactions and for different aspects of national contexts, such as female labour market participation, unemployment, labour market protection and the proportion of children born out of marriage.

Résumé

Nous examinons dans quelle mesure les tendances de la fécondité réagissent aux politiques familiales dans les pays de l’OCDE. En relation avec la ré-augmentation des taux de fécondité observés dans plusieurs pays de l’OCDE, nous testons l’influence de différentes mesures de politiques familiales sur la fécondité, sur un panel de 18 pays pour la période allant de 1982 à 2007. Nos résultats confirment que chaque mesure de cet ensemble (congé rémunéré, services d’accueil de la petite enfance et transferts financiers) ont en moyenne une influence positive sur la fécondité, suggérant que la combinaison de ces formes d’aides aux parents qui travaillent avec de jeunes enfants est susceptible de faciliter le choix d’avoir des enfants. Les différents instruments politiques n’ont toutefois pas le même poids : les prestations financières versées au-delà de la naissance et l’offre de service d’accueil pour les enfants de moins de trois ans ont une influence potentielle plus grande que les droits au congé et les aides financières associées à une naissance. De plus, l’effet de chaque mesure varie selon le contexte global constitué par les politiques familiales. Nos résultats sont robustes à différentes procédures testées pour contrôler les effets de recul de l’âge moyen à la naissance des enfants, traiter les problèmes d’endogénéité ou de décalage dans le temps de la réponse des taux de fécondité aux évolutions des politiques. Les variations de taux d’emploi des femmes, de taux de chômage ou de niveau de protection des marchés du travail sont aussi prises en compte.

Link: http://link.springer.com/article/10.1007/s10680-013-9295-4

DOI 10.1007/s10680-013-9295-4

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