Pour un congé parental court, bien rémunéré et partagé entre les parents

Le congé parental a connu d’importantes modifications au nom de l’égalité hommes-femmes et pour inciter les pères à y avoir recours. Pourtant, la réforme peine à se montrer efficace. Pour aller plus loin, la France doit raccourcir la durée du congé parental tout en proposant une substitution du salaire net à chaque parent.

Depuis le 1er janvier 2015, le Complément de libre choix d’activité (CLCA) a laissé place à la Prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE). Pour le premier enfant, le versement de la PreParE passe de six mois à un an si les deux parents prennent un congé. À partir du deuxième enfant, la prestation peut être versée jusqu’aux 3 ans de l’enfant comme auparavant, mais chaque parent ne peut prendre que 24 mois au maximum. C’est donc au second parent de prendre les 12 mois restants si le couple veut profiter de la durée maximale.

Par cette mesure, le gouvernement voulait permettre aux femmes de retourner plus rapidement sur le marché du travail après la naissance (ou l’adoption) de leur enfant, et inciter davantage les pères à s’arrêter de travailler pour élever leur enfant. C’est plutôt raté, car le dispositif reste très majoritairement utilisé par les femmes. Fin 2015, les hommes représentaient à peine plus de 5% des bénéficiaires du congé parental, contre 3,3% en 2014, selon la Cnaf. C’est toujours principalement les femmes qui s’occupent des tout jeunes enfants, au détriment de leur carrière. Par conséquent, les femmes sont actuellement toujours moins bien payées que les hommes (28% de moins dans le privé), ce qui nuit à leur indépendance économique et leur prévoyance vieillesse. Les pères passent, par ailleurs, toujours beaucoup moins de temps avec leurs enfants qu’ils le souhaitent.

L’échec de cette réforme est principalement lié au fait que la PreParE est toujours d’un montant forfaitaire (moins de 400 euros par mois en cas de cessation totale d’activité). Faute d’allocation suffisante, les couples ne peuvent pas se permettre de laisser celui qui gagne le plus s’arrêter.

La France est donc enferrée dans un cercle vicieux: l’inégalité salariale incite les femmes (qui ont un plus petit salaire) à interrompre leur activité professionnelle pour une durée toujours très longue, ce qui creuse encore un peu plus l’inégalité salariale entre hommes et femmes.

Il est donc l’heure d’oser une mesure beaucoup plus progressiste en France. Mais comment faire? Comme souvent en ce qui concerne la politique sociale et l’égalité homme/femme, un regard vers la Suède s’avère utile. Celle-ci propose un congé parental de 13 mois rémunéré à 80% du salaire net (plafonné à 4.000 euros par mois) pour chaque enfant. Les parents profitent de la totalité des 13 mois uniquement si le deuxième parent prend lui-même au moins deux mois de congé.

La Suède est le premier pays européen à avoir instauré ce type de congé parental, en 1974. Aujourd’hui, 90% des pères suédois profitent de ce positif. L’Allemagne a adopté ce modèle en 2007 en proposant 67% du salaire net, plafonné à 1.800 euros par mois.  Si les pères demandent au moins deux mois d’arrêt, le congé parental peut être porté à quatorze mois au total au lieu de douze. Environ un quart des pères allemands profitent actuellement de ce dispositif. L’effet de la reforme allemande reste mitigé, principalement en raison du sous-développement des services de garde pour les tout jeunes enfants. Cette situation rend donc difficile toute évolution dans les rôles traditionnels de genre en Allemagne.

La France n’a pas ce handicap. Les modes de garde y sont relativement bien développés comparé à ses voisins européens, ce qui faciliterait un partage plus égal des responsabilités entre parents. Pour donner un coup de pouce significatif, la France doit raccourcir la durée du congé parental tout en remplaçant le transfert forfaitaire par une indemnité versée à titre compensatoire. L’idée est de proposer une substitution du salaire net d’environ 80% (calculée sur la base des deux années antérieures et plafonnées pour les très hauts salaires). Pour favoriser de façon résolue un partage entre les parents, chaque parent aurait le droit d’en profiter pour une période de maximum six mois après le congé maternité/paternité.

Oui, cette mesure est anti-redistributive. Mais elle favorise une insertion professionnelle avant et peu après la naissance d’un enfant pour les deux sexes. Encourager et faciliter l’accès à un emploi stable reste la meilleure façon de lutter contre les inégalités –de tout genre. La France doit se rattraper également dans ce domaine. Enfin, il est évident que la politique doit encourager un changement de paradigme dans le monde des entreprises afin de permettre aux parents de mieux se partager les responsabilités économiques et éducatives. Gardons en tête qu’en Suède, une journée de travail standard se termine vers 16h30 en moyenne pour tout salarié.

Et oui, cette mesure coûtera cher. Mais il est temps d’investir. Et n’oublions pas que l’activité professionnelle des femmes, qui augmentera avec cette mesure, générera des recettes fiscales supplémentaires. Si cela ne semble pas suffisant, faisons encore une fois comme la Suède: l’installation d’une imposition individuelle (donc la suppression du quotient conjugal/familial) qui libérerait des moyens énormes pouvant être réinvestis pour reformer le congé parental, pour renforcer le système de mode de garde et d’éducation et pour lancer d’autres politiques sociales qui permettent de réduire les inégalités de revenu.

Angela Greulich

Article publié ici: slate.fr

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